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Crédits : United Artists-Charles Chaplin Productions

Rire au visage de l’oppression, l’humour comme acte de résistance

Par Nicolas Sachsé

Dans l’obscurité étouffante de l’oppression, l’humour surgit en illuminant les esprits de sa lueur subversive. Il devient un acte de résistance, une bouffée d’air frais dans un monde confiné. De Charlie Chaplin à George Owell, en passant par des caricaturistes comme Rayma Suprani, l’histoire regorge d’exemples de personnalités qui ont défié des régimes autoritaires et bravé la censure par le rire.

Dans le sillage de ces maîtres de l’humour politique, les caricaturistes du monde entier se sont levés contre l’oppression en utilisant l’art du dessin.

Au Venezuela, Rayma Suprani utilise son art pour critiquer le gouvernement d'Hugo Chavez et de son successeur, Nicolas Maduro. Ses dessins dénoncent la crise économique, la censure, et les violations des droits de l’homme. En Chine, le caricaturiste Badiucao critique ouvertement le gouvernement chinois à travers ses œuvres, dénonçant la censure, la violation des droits humains et les politiques répressives. Le 7 juin 2023, l’artiste et militante iranienne Atena Farghadani, connue pour ses dessins satiriques et politiques critiquant le régime en place, a été arrêtée à la suite de la publication d’une caricature sur les réseaux sociaux. Elle avait déjà été interpellée en 2014 en raison de ses activités et de son idéologie. Des images humoristiques dépeignent des tyrans en bouffons, des rois déchus en marionnettes. Comme le caricaturiste français Honoré Daumier l’a si bien dit : « C’est le propre de la caricature d’exagérer, et rien n’est plus vulgaire que l’exagération ».

 

L’humour pour déjouer les discours avec légèreté

 

Et puis il y a eu ces comédiens, pour qui le rire était un acte de résistance mené en douceur, mais sans équivoque. Des clubs de comédie clandestins fleurissent, des blagues murmurées à la lueur des bougies deviennent des déclarations de liberté. En 2012, en Russie, le groupe punk féministe Pussy Riot organise des performances impromptues dans des églises et d’autres lieux publics pour s’opposer à la campagne du Premier ministre Vladimir Poutine en vue de l’élection présidentielle. Leur audace et leur style subversif attirent l’attention mondiale sur la répression politique en Russie.

 

Charlie Chaplin, l’icône silencieuse du cinéma muet, représente la lutte contre l’injustice à travers ses pas de danse maladroits et son chapeau melon. Dans son chef-d’œuvre, Le Dictateur, il parle haut et fort sans dire un mot. Il incarne à l’écran le personnage du barbier juif, ressemblant trait pour trait au dictateur Adenoid Hynkel. Au cours d’un quiproquo, il prend la place du tyran et fait l’éloge de la démocratie et de la tolérance que la foule accueille avec joie. Ce film audacieux est à la fois une critique acerbe d’Adolf Hitler et une dénonciation sans équivoque de la montée du nazisme. « Je veux vous aider à vivre, les uns avec les autres », déclare Chaplin, démontrant comment l’humour peut déjouer les discours enflammés avec la légèreté de la satire. L’héritage de Chaplin perdure aujourd’hui. Des artistes de tous horizons se sont inspirés de sa capacité à dénoncer l’injustice avec légèreté. Des cinéastes comme Sacha Baron Cohen utilisent l’humour pour mettre en lumière des maux de la société et questionner les pouvoirs en place.

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George Orwell, le maître de la dystopie, n’était pas un comique, mais un critique mordant, un observateur perspicace de la nature humaine et des régimes totalitaires. Ses œuvres les plus célèbres, La Ferme des Animaux et 1984, sont des monuments de la satire politique.

 

« Les mots peuvent être des plumes acérées,

taillant l’absurdité avec grâce ».

 

Dans La Ferme des animaux, Orwell raconte l’histoire d’une révolte animale qui tourne à la tyrannie humaine. Les animaux, autrefois opprimés par l’Homme, se retrouvent finalement asservis par leurs propres dirigeants. Cette fable pointe du doigt la nature corruptrice du pouvoir, montrant comment même les idéaux les plus nobles peuvent être détournés au profit des puissants. L’auteur a conçu cette fable avant tout comme une satire de la révolution russe et une critique du régime soviétique, en particulier du stalinisme, et au-delà, des régimes autoritaires et du totalitarisme.

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1984, quant à lui, est un voyage dans l’horreur, fortement inspiré à la fois de certains éléments du stalinisme et du nazisme. Orwell y crée un terrifiant monde, où la pensée indépendante est éradiquée et l’individu réduit à une marionnette. L’humour dans 1984 ne se manifeste pas par des rires, mais par une ironie amère. Il réside dans l’absurdité cauchemardesque de ce monde dystopique.Les mots peuvent être des plumes acérées, taillant l’absurdité avec grâce. À travers l’allégorie, Orwell dénude les mécanismes de la domination et de la manipulation. L’humour permet aux lecteurs de voir les dérives du pouvoir avec plus de clarté. « Tout ce qui est sérieux est presque toujours bête », écrit-il. Son impact sur la résistance par l’humour perdure. Ses œuvres continuent d’inspirer des écrivains, des journalistes et des artistes du monde entier à utiliser la satire pour dénoncer l’oppression. Des dessinateurs politiques aux romanciers engagés, l’héritage d’Orwell résonne encore aujourd’hui.

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L’humour en temps d’oppression peut sembler frivole, mais il incarne l’acte de résistance. Comme le souligne le philosophe Ralph Waldo Emerson, « Rire souvent et beaucoup ; gagner le respect des gens intelligents et l’affection des enfants…Cela signifie réussir sa vie ».

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