Le racisme dans les stades : un fléau à combattre
Par Célien Milioni-Brunet
Connu pour être le sport le plus pratiqué au monde, le football réunit, rassemble, est un lieu de partage. Toutefois, les tribunes sont parfois le théâtre d’incidents déplorables : c’est notamment le cas des débordements racistes, problème qui perdure depuis de nombreuses années.
Le racisme dans le foot n’est pas né hier. Même si les évènements racistes dans les stades se montrent bien plus présents depuis quelques années, le football a dû faire face à plusieurs « crises » discriminatoires au long de son existence.
En 1921 déjà, le président brésilien, Epitacio Pessoa, interdisait la sélection de joueurs « à la peau brune ». Depuis, et après les différentes vagues d’immigration, le monde, et plus particulièrement l’Europe, a vu naître plusieurs périodes sombres. À partir de 1970 et la montée du racisme anti-arabe et des années 1980 marquées par la crise des banlieues, les problèmes sociétaux commencent à se refléter dans les stades.
Le racisme, un problème récurrent
Le racisme dans les stades est un sujet qui revient régulièrement. Bien qu’inscrit désormais dans la tête de nombreux fans de foot, ce fléau a toutefois donné lieu à quelques dates importantes. La fin des années 80 montre une augmentation du racisme dans les stades. Que ce soient les bananes lancées à Joseph Antoine Bell en 1989, le carton rouge pris par Kalidou Koulibaly, victime d’insultes racistes en plein match de décembre 2018 ou encore l’international malien Moussa Marega quittant la pelouse à la suite de cris de singes il y a un un peu plus d’un an, certaines dates nous ont plus marqué que d’autres.
Mais si elles sont aussi mémorables, c’est aussi de par la réaction des joueurs, et surtout celles des principaux intéressés. Car les joueurs sont d’autant plus affectés par le racisme. Une étude italienne montre par ailleurs que les joueurs africains sont beaucoup plus efficaces sans public. La raison est simple : le caractère discriminatoire des personnes dans les stades disparaît, les joueurs se sentent plus libres. Souffrant en silence durant de longues années, les joueurs tentent aujourd’hui de retourner la situation. Par des paroles ou par des actes, le football européen dénonce désormais le désastre qu’est le racisme dans les stades.
Mario Balotelli souhaitant quitter la pelouse, quelques instants après avoir subi des cris racistes.
En vingt ans, la situation a empiré. Des incidents racistes surviennent de plus en plus souvent. Malheureusement, certains acteurs sont conscients de leurs actes et parfois même défendus par des membres de groupes de supporters. C’est par exemple le cas du chef ultra de l’Hellas Verone, qui a tenté de remettre la faute sur Balotelli, alors que celui-ci était victime de cris racistes, cris qu’il aurait « entendus dans sa tête ». Autre exemple et non des moindres, le groupe de supporters de l’Inter Milan, défendant des injures à caractère raciste déployées contre l’un de leurs joueurs, Romelu Lukaku, par des supporters de Cagliari. L’Italie est l’un des pays européens les plus touchés par ce phénomène. Chaque week-end ou presque, les joueurs noirs sont accueillis de la plus hideuse des manières, sans qu’il y ait de sanctions marquantes. C’est d’ailleurs Mauro Valeri, directeur de l’observatoire sur le racisme dans le football, qui justifie ce manque de sanctions par « des normes et des règles prévues par les institutions, mais qui ne punissent personne car elles posent tellement de conditions qu’en pratique, personne n’est sanctionné ».
Quelles solutions alors ?
Depuis 2009 seulement, les arbitres ont l’autorisation d’arrêter un match après un incident raciste. Une sanction qui peut sembler logique, mais qui arrive pourtant bien tard. À l’image de cette dernière, les sanctions concernant le racisme sont parfois bien trop tardives. Le même schéma se répète sans cesse : l’acte raciste provoque l’indignation. S’ensuivent des débats, puis une prise de parole des grandes institutions qui « condamnent cet acte et prendront les sanctions nécessaires ». Enfin, le calme, jusqu’au prochain incident, se déclarant généralement assez rapidement après le précédent.
Pour l’heure, aucune règle ne fait véritablement mouche. Trop peu mises en valeur pour être efficaces ou simplement pas respectées, les lois concernant le racisme sont trop impuissantes.
Et malgré de nombreuses campagnes de prévention, où les joueurs peuvent figurer, la sensibilisation ne semble pas être la solution. Nous avons tous en tête l’image de cette publicité de l’UEFA, où grand nombre de personnes importantes du sport au ballon rond défilent, avec une phrase, « Non au racisme », répétée dans plusieurs langues. De nombreuses personnalités publiques (ex-joueurs, arbitres, entraîneurs,…) dénoncent ce problème. Olivier Dacourt, Fernando Torres ou Vikash Dhorasoo pour ne citer qu’eux, ont un but commun : faire cesser le racisme. Associations, publicités, discours, mouvements… Tout semble déjà avoir été essayé et le résultat ne s’améliore pas.
Les joueurs du PSG et de Basaksehir, un genou à terre en adéquation avec le mouvement "Black Lives Matter".
Les joueurs sont parfois livrés à eux-mêmes et l’absence de sanctions en laisse beaucoup désemparés. Mario Balotelli est un cas parmi tant d’autres. Déjà victime de nombreux actes racistes dans sa carrière et ayant pris la parole de nombreuses fois à ce sujet, il en est même venu à quitter le terrain un jour de novembre 2019, excédé par les cris racistes résonnant dans le stade. Même si la logique voudrait qu’il y ait une prise de sanctions, ce n’est parfois pas réalisé. C’est alors aux joueurs de prendre position, et à l’équipe entière de « quitter le terrain », pense notamment Lilian Thuram, ex-champion du monde 1998 avec l’Équipe de France. « Si vous voulez du changement, il faut faire en sorte que les autorités soient contraintes à changer », a-t-il notamment déclaré lors d’une interview au Guardian, il y a de cela quelques jours.
Les décisions évoluent et celle de quitter la pelouse devrait se faire de la part des deux équipes. C’est arrivé lors de PSG-Basaksehir, où des paroles racistes, prononcées à l’égard de Demba Ba, avaient provoqué une réaction générale : celle de rentrer au vestiaire. Décision qui avait fait le tour du monde, ainsi que la fierté de la grande majorité des (vrais) fans de football. Une décision qui pourrait entraîner un véritable déclic pour les institutions du football, qui ont sûrement remarqué leur incapacité à stopper les actes discriminatoires dans les stades.
Toutefois, nous pouvons voir quelques lueurs d’espoir dans cette triste réalité. Certes, si le racisme se manifeste de manière plus accentuée et régulière depuis une vingtaine d’années et que des sanctions auraient déjà dû être mises en place depuis longtemps, elles se multiplient cependant actuellement. Dernier exemple en date, la fermeture partielle du stade de l’Union Berlin, après des insultes antisémites prononcées à l’encontre des joueurs du Maccabi Haïfa, club israélien, fin septembre.
De manière plus générale, les grandes institutions du football ont durci leur règles trop « élastiques ». Depuis 2013 par exemple, des équipes peuvent être reléguées ou même exclues après des incidents racistes créés par des membres (supporters, joueurs…) du club. De même, depuis plus de deux ans maintenant, « les matches arrêtés à cause de racisme dans les tribunes seront désormais donnés perdus sur tapis vert », selon le nouveau règlement de la FIFA.
Une volonté de bannir à vie les supporters coupables d’actes racistes dans les stades a fait le tour du monde. Volonté exprimée par Gabriele Gravina, président de la Fédération italienne, qui a annoncé « disposer de la technologie nécessaire pour identifier ces individus, les expulser des stades et ne jamais les laisser revenir ».
La solution la plus propice semble alors être le temps. Attendre que les nouvelles règles se révèlent efficaces, attendre que d’autres arrivent, attendre que ce (faux) supporterisme s’améliore…
La Lazio : promoteur du fascisme
Certains clubs sont (malheureusement) connus pour leur groupe de supporters accusés de nombreuses fois de racisme. C’est par exemple le cas de Chelsea ou de plusieurs clubs d’Italie.
Mais celui qui retient notre attention, c’est celui de la Lazio de Rome.
En l’espace de quelques semaines seulement, les supporters de la Lazio ont fait polémique pour deux cas distincts mais se rejoignant sur un point : les cris racistes. Dernièrement, c’est le jeune Bamba Dieng (OM) qui en a fait les frais, ainsi que le Français Tiémoué Bakayoko, et l’Ivoirien Frank Kessié (Milan AC).
Connus pour leurs nombreux dérapages racistes et antisémites, les Biancocelesti n’arrêtent plus de faire parler d’eux. Un groupe, ouvertement fasciste, capable d’arborer dans les gradins des autocollants d’Anne Frank, de brandir fièrement des banderoles pro-Mussolini ou même de tapisser le stade de croix gammées, les hooligans romains assument leur racisme. Défendus par leur président Claudio Lotito qui demande à ce que les cris de singe ne « doivent pas toujours être assimilés à un acte discriminatoire ou raciste », les Romains ont de quoi se sentir soutenus.
Banderole fasciste déployée au Stadio Olimpico par des supporters laziale.
Fabio Di Canto, attaquant de la Lazio, célébrant un but devant la Curva Nord.
Allant même jusqu’à menacer un de leur propre joueur, Elseid Hysaj, qui avait chantonné cet été, lors de son bizutage, la célèbre chanson Bella Ciao. Remise au goût du jour par la série La Casa De Papel, cette chanson est connue pour être un chant résistant en Italie, ce qui n’a pas plu à la Curva Nord, son groupe d’ultras. Harcelé depuis des jours durant sur les réseaux par ses propres supporters, ces derniers sont même allés jusqu’à afficher une banderole « Hysaj, tu es un ver de terre, la Lazio est fasciste » dans la capitale italienne. Motivée par leur héros Paolo Di Canio, qui célébrait ses buts avec un salut nazi devant le virage Nord dans les années 2000, l’idéologie raciste des supporters du club italien ne semble pas prête de s’éteindre.
Cependant, et puisqu’on ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier, certains groupes de supporters laziale s’opposent à cette idéologie, et prônent l’antifascisme. C’est le cas de Laziale e Antifascista (LAF) qui souhaite « détruire le stéréotype du supporter laziale fasciste en Italie et dans le monde ». Créé en 2011, le groupe fait face à un contexte qui voit régulièrement les supporters privés de stade à la suite d’incidents racistes. Car oui, si la Curva Nord répète les actes polémiques, ils sont toute de même sanctionnés. Après la réception de Rennes par exemple où des saluts fascistes ont été remarqués, la Curva Nord a été fermée, ou encore après l’incident de la banderole « Honneur à Benito Mussolini », déployée à Milan par les Irriducibili, principal groupe ultra du club. Des sanctions sûrement trop faibles pour des actes aussi graves. Actes qui se reproduisent pourtant sans cesse…