Crédits : Maïssae Sebille
Reportage : Ken Loach contre le fascisme italien
Par Maïssae Sebille
Le mercredi 15 novembre à Rome, le réalisateur britannique, Ken Loach donne une conférence à Spin Time Lab, bâtiment occupé depuis une dizaine d’années par 500 familles réfugiées en Italie. Le cinéaste est venue s’exprimer devant une centaine de personnes, dans ce squat situé au cœur de la ville. Appelant à la lutte sociale et à plus de solidarité dans un contexte politique hostile à ce type d'initiatives.
Mercredi 15 novembre 2024, dans un immeuble situé au centre de la ville de Rome, occupé depuis les années 2010. Lieu de vie, d’échanges sociaux et de réunions militantes, ouvertement opposé au gouvernement italien dirigé par Giorgia Meloni, depuis son élection il y a un peu plus d’un an. Celle que l’on surnomme “héritière du fascisme”, met en lumière l'inquiétante montée de l'extrême droite en Europe.
Spin Time Lab, c’est un espace jonglant entre accueil d’individus précaires et bureau associatif et militant. Visé de façon importante par le ministère de l’intérieur désirant sa fermeture. Pourtant cela n’éteint pas l’âme de l’adresse, loin de là, organisant toujours plus de conférences, de réunions, d'assemblées générales dans un esprit de lutte sociale et de solidarité.
Quel endroit saugrenu pour imaginer un discours tenu par un réalisateur primé. Et pourtant une semaine auparavant, la page officielle « Spin Time Lab » annonce la venue de Ken Loach dans ses pénates. Étonnant qu’une conférence aussi importante soit prévue si peu de temps à l’avance, et pourtant ! Cela n’a pas empêché le rassemblement d’une foule importante pour l’occasion.
Le metteur en scène n’est pas venue parler de son cinéma
Lorsque les portes du théâtres s'ouvrent, l'ambiance n’est pas comparable à une conférence ordinaire. Celle-ci est nettement en accord avec les valeurs qui ont été présentées, notamment lors du discours réalisé par une des bénévoles “Spin Time Lab”. Cette femme qui avant d’ouvrir les portes du théâtre, à l’’intérieur duquel la réunion va prendre place, a parlé d’égalité, de solidarité et de vivre ensemble.
Pas de tri à l'entrée, tout individu est libre de venir écouter le discours de Ken Loach. Pas de distinction entre les personnes, pas de cordons autour du cou indiquant un statut particulier. Sur les gradins sont présents des étudiants, des retraités, des travailleurs, des enfants… Tous venus écouter les paroles du réalisateur ayant pour domaine de prédilection la lutte sociale.
Après quelques minutes de retard apparaît Ken Loach rejoignant l’estrade sous les applaudissements du public. Contrairement à ce qu’une conférence donnée par un cinéaste pourrait faire espérer, le réalisateur n’est pas venu faire la promo de son dernier film The Old Oak (sortie en salle le 16 novembre), mais pour parler politique, notamment pour mettre en lumière les luttes qui lui tiennent à cœur.
Le cinéaste britannique rentre dans le vif du sujet dès le début de son discours. Abordant dès les premières minutes « la crise massive des sans-abri», touchant particulièrement le Royaume-Uni, son pays d’origine.
Selon une étude de la Fondation Abbé Pierre diffusée en 2023, 895 000 personnes sont sans-abri en Europe. Ken Loach ne se garde pas de critiquer les marchés financiers, qui selon lui influencent les gouvernements et États, ne prenant pas en considération le peuple et leurs besoins. Discours approuvé par son audience, étant donné les applaudissements qui ponctuent les prises de paroles du réalisateur césarisé. Ne s’attendant pas à cet accueil, il remercie l’association pour ce qu’elle fait pour les plus jeunes, les accueillant et leur permettant d’avoir une enfance un peu moins précaire qu’elle le serait dans la rue : « Ce qui se passe ici à Spin Time est spectaculaire : donner un toit aux sans-abri, donner de l'espoir à ceux qui n'en ont pas. De toutes les choses fantastiques que vous faites, le plus important est de donner aux enfants une enfance dont ils peuvent être fiers, un espace pour leur imagination et surtout la sécurité ». Appelant à l’action sociale et surtout à la solidarité : « L'espoir est une question politique. Il ne s'agit pas de croiser les doigts et de faire un vœu. Il doit être fondé sur la pensée réelle que nous sommes assez forts pour provoquer le changement. [...] En s'organisant sur la base de la solidarité, en créant des contacts et en construisant des organisations que nous pouvons contrôler, et en remportant des élections. ». Après cette conférence on ne peut pas dire que l’art de Ken Loach n’est pas politique, son engagement et son parcours en étant imprégné.
Un cinéaste favori des récompense du 7ème art
Ken Loach est un réalisateur multiplement récompensé plus d’une fois lors des cérémonies françaises. Lauréat de la palme d’or du festival de Cannes pour Moi Daniel Blake en 2016, césarisé pour la même œuvre. Peintre de son temps, ayant pour prédilection, la mise en scène de la violence sociale à travers différents films. Ken Loach est un fervent militant qui n’hésite pas à montrer ses combats dans ses long-métrages. Ce cinéaste étant l’un des plus importants de son pays, voire du paysage cinématographique du XXIème siècle. Nominé un nombre incalculable de fois au Césars et au festival de cannes.
Dans son film le plus primé, Ken Loach raconte l’histoire de son héros éponyme, Daniel Blake. Retraité veuf de 56 ans contraint de faire appel aux aides sociales suite à une crise cardiaque. Bien qu’interdit de travail par son médecin, il se voit obligé de chercher un emploi. Durant ses allers-retours aux services administratifs britanniques, il croise la route de Katie, mère célibataire de deux enfants. Daniel et Katie décident alors de se tendre réciproquement la main. Cette fresque sociale dépeint les aberrations bureaucratiques ayant lieu au Royaume-Uni, la misère dans laquelle certains sont plongés ne pouvant correspondre aux attentes du marché du travail.
Plus récemment Ken Loach a réalisé The Old Oak dans lequel les spectateurs peuvent suivre l’arrivée de réfugiés syriens, s’installant dans les maisons vides d’une commune minière britannique.